Guénola Pellen écrit sur « Franck Sorbier, le fil de l’âme » dans France Amérique.

Franck Sorbier, le fil de l’âme sur TV5 MONDE

On sort comme envoûté de la projection du documentaire d’Amaury Voslion. Bienvenue dans le monde onirique du couturier de légende Franck Sorbier, dans l’intimité de son atelier parisien où, de fil en aiguille, le tissu se métamorphose en oeuvre d’art. A découvrir jusqu’au 1er mars sur la plateforme TV5MONDEplus.

Grand couturier et maître d’art – il est le seul créateur de mode à cumuler ces deux titres – Franck Sorbier est une espèce en voie de disparition. Derrière ses petites lunettes, cet homme souriant au regard rêveur manie avec la même dextérité l’aiguille, la machine à coudre et le chalumeau, les étoffes et le métal. Passant de la réalisation de robes haute couture à la création de plateaux d’orfèvrerie, il est tout à la fois artisan, artiste et passeur d’un savoir-faire d’exception.

Enfant déjà, il s’émerveillait devant l’ouvrage des couturières et des tisserands de draps en fil de son Pays basque natal. Des années plus tard, il intègrera à ses collections les passementeries de la maison Declercq et les broderies de François Lesage. Mais aussi l’univers de la nature, du cinéma, de la musique et de la danse. « J’adore la gravure ancienne, la photographie, la sculpture, la peinture et toute forme d’art », nous explique-t-il. « Ces formes d’expressions sont porteuses d’émotions et de voyages. »

En art comme dans la vie, le créateur fusionne les styles et échappe aux cloisonnements. Ancien élève de l’Ecole supérieure des arts et techniques de la mode de Paris, il devient à son tour professeur, ce qui lui permet de transmettre sa passion du métier. En 1991, il fonde avec sa « femme-orchestre » Isabelle une maison de prêt-à-porter mais snobe les grands magasins américains qui le convoitent, dont Bergdorf Goodman à New York, se refusant à produire ses vêtements en série pour la grande distribution. En 1990, il réalise son rêve en intégrant le cercle prestigieux des créateurs de haute couture.

Ses collections révèlent un univers fabuleux et coloré. A l’image de sa première pièce, une robe au plumage chatoyant baptisée « Félix » en hommage à son premier inséparable. « A quatre mains et à deux cerveaux », il crée avec sa femme des costumes de scène pour Mylène Farmer, Johnny Hallyday et l’opéra, conseille les équipes du chef Alain Passard et réalise l’habit du peintre Zao Wou-Ki à l’Académie des beaux-arts. Loin des paillettes, c’est dans son atelier, où la caméra d’Amaury Voslion nous entraîne, que Franck Sorbier poursuit sa quête d’excellence. Au milieu de ses vieilles machines à coudre, de ses aiguilles et de ses oiseaux.

Pour le besoin de ses créations inspirées des contes de fées, de la renaissance italienne ou de la culture khmer, il se plonge dans l’histoire, la sociologie, l’anthropologie. Cette recherche perpétuelle lui vaut le surnom d’intellectuel de la mode. « Pour moi, c’est autant un métier de réflexion autour d’un sujet choisi. Une saison a ses interrogations qui lui sont propres : l’air du temps, comme on dit, des préoccupations qui dépassent le cadre du vêtement. »

Une quête de perfection qui flirte presque avec la spiritualité pour ce créateur attaché à la cause environnementale et animale : « La mode est un art appliqué. La haute couture pourra peut-être un jour aspirer au graal et frôler les arts majeurs. Pour ce faire, il lui faudra se projeter encore plus loin. » Toujours plus loin, toujours plus haut. Avec la quête du beau et du vêtement intemporel comme un fil rouge à la trame de son oeuvre. Franck Sorbier n’est pas juste un couturier, assure le passementier Jérôme Declercq dans le documentaire. « C’est un poète de la couture. »